La "crise" n'est pas finie. Les facteurs qui, depuis deux ans – mais en réalité depuis deux ou trois décennies – ont secoué le monde sont toujours à l'œuvre. Ils vont pour longtemps former notre paysage, fragile et violent. Les systèmes financiers, qu'on tente de réguler à la marge, demeurent instables ; le naturel revenant au galop, on les voit, comme avant 2008, viscéralement obnubilés par le court terme.
La croissance, au sens classique du mot, est installée pour de bon, dans les pays de l'OCDE, à des taux cinq fois inférieurs à ceux des pays émergents. L'agriculture continue, subventions à l'appui, de tuer les sols et de dégrader les eaux. Nos économies sont loin d'une situation équilibrée.
Encore plus grave : les inégalités se creusent, aussi bien chez nous qu'entre les régions du globe ; elles sont de moins en moins tolérées ; elles alimentent tensions et extrémismes. Les Français sont, plus encore que leurs voisins, portés à la dépression, au repli, à l'intolérance ; ils ont peur de l'autre ; l'écroulement des vieux modèles économiques les angoisse. Avec les périls environnementaux, globaux comme le climat, locaux comme l'épuisement des terres, avec les pénuries montantes de ressources nécessaires à nos modes de vie, tout cela forme la toile de fond des impasses où nous sommes engouffrés.
Pas question pour autant de désespérer. Les politiques nationales n'ont ni l'ambition ni l'efficacité qu'elles auraient pu avoir – par exemple, pour la France, si le Grenelle n'avait pas été laminé par les lobbies. Mais de nouvelles démarches politiques sont possibles. L'Etat n'est pas au rendez-vous, eh bien !, d'autres sont prêts, et parfois en mouvement : innombrables acteurs de la société civile, entreprises sociales et solidaires, un certain nombre de PME et de grandes entreprises, collectivités locales et régionales.
C'est ce que l'Ile-de-France, première région en Europe pour le poids économique, essaie de se fixer comme objectifs en lançant sa "stratégie de développement et d'innovation". C'est dans cet esprit que son Conseil régional réunira, selon ce qu'Europe Ecologie proposait dans son programme pour les récentes élections régionales, des "Etats généraux de la conversion écologique et sociale".
La conversion écologique ouvre une perspective économique dynamique : elle accroîtra l'activité et créera de l'emploi, tout en réduisant l'empreinte écologique des acteurs. Elle rendra dans le même temps l'économie plus résistante aux menaces, et plus habile à saisir les chances, que l'avenir nous réserve. Nulle industrie, nul service ne sera désormais durable s'il n'a pas une forte coloration écologique.
IL FAUT LANCER UN MOUVEMENT DE SOCIETE
Mais l'affaire n'est pas si simple. Installer des éoliennes ou des tramways, protéger la nature ou soutenir l'agriculture bio, ça ne fait pas une politique. Ce qu'il faut lancer – et une région puissante comme celle-ci est pour cela à la bonne échelle – c'est un mouvement de société. Il faut abattre les scepticismes, pour qui l'écologie est une niche accessoire, et le développement durable une idée sympathique… si ça se passe chez le voisin. Par exemple, comme le fait telle chambre de commerce, il faut conduire une campagne vigoureuse pour convaincre les entreprises que leur avenir est dans des filières à valeur ajoutée écologique, et que leur prospérité dépend aussi de leur performance environnementale et sociale.
Par exemple encore, une politique écologique des transports – compétence régionale de premier plan – ne peut se borner à soutenir les recherches sur la motorisation des voitures et à créer des infrastructures. Elle doit, comme la région Ile-de-France l'a bien amorcé avec son schéma directeur, élaborer de nouveaux concepts pour la mobilité urbaine, ce qui suppose une complicité active entre utilisateurs, entreprises, aménageurs. C'est dans cet esprit, notamment, que les écologistes sont attachés aux productions agricoles de proximité et au rapprochement emploi-logement ; ils soulignent qu'un maillage dense de transports de surface en petite couronne peut réduire les exclusions qui fracturent l'Ile-de-France. L'écologie est sur un tel sujet pleinement politique.
Prenons encore l'exemple de la santé et de l'alimentation. Il faut très vite remettre en cause certains aspects de nos modes de vie.
L' environnement empoisonne Paris : pathologies, désordres sanitaires, stress. Qui ose dire que nous sommes un pays "développé" ? Les messages et les initiatives venant de l'autorité régionale peuvent ici limiter les dégâts et, surtout, changer les comportements.
De même, si on s'occupe souvent d'accroître, en volume et en qualité, l'offre de produits et de services, cela n'a pas de sens sans politique de la demande. Oui, on doit isoler les bâtiments, oui bien sûr la formation des corps d'état est une priorité – mais il ne se passera rien si le bilan économique de la réhabilitation thermique ne tient pas la route pour les propriétaires, les locataires, les usagers, et si l'on ne facilite pas des montages financiers innovants. Des artisans aux business-angels, des HLM aux industriels, une démarche multiple, ordonnée, suscitant des partenariats, s'impose pour cet énorme chantier, où nous avons du retard. La région peut orchestrer une mobilisation, sur ce sujet et quelques autres, si elle décloisonne des interventions aujourd'hui trop sectorielles et, plus important encore, si elle propose aux Franciliens – si elle proclame – un projet ambitieux de transition écologique, une vision pour un futur différent.
Tout cela est urgent. Ni notre région, ni notre pays, ni notre vieille Europe ne peuvent attendre pour que ce changement de notre modèle économique et de nos comportements soit engagé en vraie grandeur. Voilà bien une question de conviction et de volonté politique : ce n' est pas le marché qui conduira cette révolution.
Au sein de la majorité régionale, Europe Ecologie appuiera le président et l'exécutif, qui sont bien entendu convaincus avec nous qu'il n'existe pas d'autre voie pour rendre la région à la fois plus robuste et plus solidaire, donc plus efficace et attractive. Aux yeux des investisseurs étrangers, mettre haut la barre en termes sociaux et environnementaux, c'est à l'évidence un "plus" pour l'attractivité de l'Ile-de-France.
Il faut des couloirs de bus et des parcs éco-industriels, mais la transition écologique appelle surtout une politique hautement affirmée comme telle, une politique qui soit en même temps active et concrète, fondée sur le débat, sur des partenariats pertinents, sur un contrat social proposé aux citoyens et aux acteurs économiques. D'où le bien fondé des états généraux que lance le président Huchon. Les Verts ont déjà beaucoup réalisé dans cet esprit, à Paris et dans les banlieues. Les élus écologistes contribueront à donner un tour efficace et durable à la démarche de la région, une démarche qui doit être l'axe majeur de son action économique.
Robert Lion est aussi président de l'Agence régionale de développement et Sophie Renard présidente de la Commission du développement économique.
Encore plus grave : les inégalités se creusent, aussi bien chez nous qu'entre les régions du globe ; elles sont de moins en moins tolérées ; elles alimentent tensions et extrémismes. Les Français sont, plus encore que leurs voisins, portés à la dépression, au repli, à l'intolérance ; ils ont peur de l'autre ; l'écroulement des vieux modèles économiques les angoisse. Avec les périls environnementaux, globaux comme le climat, locaux comme l'épuisement des terres, avec les pénuries montantes de ressources nécessaires à nos modes de vie, tout cela forme la toile de fond des impasses où nous sommes engouffrés.
Pas question pour autant de désespérer. Les politiques nationales n'ont ni l'ambition ni l'efficacité qu'elles auraient pu avoir – par exemple, pour la France, si le Grenelle n'avait pas été laminé par les lobbies. Mais de nouvelles démarches politiques sont possibles. L'Etat n'est pas au rendez-vous, eh bien !, d'autres sont prêts, et parfois en mouvement : innombrables acteurs de la société civile, entreprises sociales et solidaires, un certain nombre de PME et de grandes entreprises, collectivités locales et régionales.
C'est ce que l'Ile-de-France, première région en Europe pour le poids économique, essaie de se fixer comme objectifs en lançant sa "stratégie de développement et d'innovation". C'est dans cet esprit que son Conseil régional réunira, selon ce qu'Europe Ecologie proposait dans son programme pour les récentes élections régionales, des "Etats généraux de la conversion écologique et sociale".
La conversion écologique ouvre une perspective économique dynamique : elle accroîtra l'activité et créera de l'emploi, tout en réduisant l'empreinte écologique des acteurs. Elle rendra dans le même temps l'économie plus résistante aux menaces, et plus habile à saisir les chances, que l'avenir nous réserve. Nulle industrie, nul service ne sera désormais durable s'il n'a pas une forte coloration écologique.
IL FAUT LANCER UN MOUVEMENT DE SOCIETE
Mais l'affaire n'est pas si simple. Installer des éoliennes ou des tramways, protéger la nature ou soutenir l'agriculture bio, ça ne fait pas une politique. Ce qu'il faut lancer – et une région puissante comme celle-ci est pour cela à la bonne échelle – c'est un mouvement de société. Il faut abattre les scepticismes, pour qui l'écologie est une niche accessoire, et le développement durable une idée sympathique… si ça se passe chez le voisin. Par exemple, comme le fait telle chambre de commerce, il faut conduire une campagne vigoureuse pour convaincre les entreprises que leur avenir est dans des filières à valeur ajoutée écologique, et que leur prospérité dépend aussi de leur performance environnementale et sociale.
Par exemple encore, une politique écologique des transports – compétence régionale de premier plan – ne peut se borner à soutenir les recherches sur la motorisation des voitures et à créer des infrastructures. Elle doit, comme la région Ile-de-France l'a bien amorcé avec son schéma directeur, élaborer de nouveaux concepts pour la mobilité urbaine, ce qui suppose une complicité active entre utilisateurs, entreprises, aménageurs. C'est dans cet esprit, notamment, que les écologistes sont attachés aux productions agricoles de proximité et au rapprochement emploi-logement ; ils soulignent qu'un maillage dense de transports de surface en petite couronne peut réduire les exclusions qui fracturent l'Ile-de-France. L'écologie est sur un tel sujet pleinement politique.
Prenons encore l'exemple de la santé et de l'alimentation. Il faut très vite remettre en cause certains aspects de nos modes de vie.
L' environnement empoisonne Paris : pathologies, désordres sanitaires, stress. Qui ose dire que nous sommes un pays "développé" ? Les messages et les initiatives venant de l'autorité régionale peuvent ici limiter les dégâts et, surtout, changer les comportements.
De même, si on s'occupe souvent d'accroître, en volume et en qualité, l'offre de produits et de services, cela n'a pas de sens sans politique de la demande. Oui, on doit isoler les bâtiments, oui bien sûr la formation des corps d'état est une priorité – mais il ne se passera rien si le bilan économique de la réhabilitation thermique ne tient pas la route pour les propriétaires, les locataires, les usagers, et si l'on ne facilite pas des montages financiers innovants. Des artisans aux business-angels, des HLM aux industriels, une démarche multiple, ordonnée, suscitant des partenariats, s'impose pour cet énorme chantier, où nous avons du retard. La région peut orchestrer une mobilisation, sur ce sujet et quelques autres, si elle décloisonne des interventions aujourd'hui trop sectorielles et, plus important encore, si elle propose aux Franciliens – si elle proclame – un projet ambitieux de transition écologique, une vision pour un futur différent.
Tout cela est urgent. Ni notre région, ni notre pays, ni notre vieille Europe ne peuvent attendre pour que ce changement de notre modèle économique et de nos comportements soit engagé en vraie grandeur. Voilà bien une question de conviction et de volonté politique : ce n' est pas le marché qui conduira cette révolution.
Au sein de la majorité régionale, Europe Ecologie appuiera le président et l'exécutif, qui sont bien entendu convaincus avec nous qu'il n'existe pas d'autre voie pour rendre la région à la fois plus robuste et plus solidaire, donc plus efficace et attractive. Aux yeux des investisseurs étrangers, mettre haut la barre en termes sociaux et environnementaux, c'est à l'évidence un "plus" pour l'attractivité de l'Ile-de-France.
Il faut des couloirs de bus et des parcs éco-industriels, mais la transition écologique appelle surtout une politique hautement affirmée comme telle, une politique qui soit en même temps active et concrète, fondée sur le débat, sur des partenariats pertinents, sur un contrat social proposé aux citoyens et aux acteurs économiques. D'où le bien fondé des états généraux que lance le président Huchon. Les Verts ont déjà beaucoup réalisé dans cet esprit, à Paris et dans les banlieues. Les élus écologistes contribueront à donner un tour efficace et durable à la démarche de la région, une démarche qui doit être l'axe majeur de son action économique.
Robert Lion est aussi président de l'Agence régionale de développement et Sophie Renard présidente de la Commission du développement économique.